Le Grappilleur

Le Grappilleur n°110

«Je ne comprends pas qu’on achète du vin sans l’avoir goûté au préalable. Il ne viendrait à personne l’idée d’acheter un pantalon sans l’essayer avant. (Pierre Desproges)

Odeur et goût de moisi – terreux Télécharger le PDF

Un peu moins connu que le goût de bouchon, quelque fois confondu avec celui-ci, l’odeur et le goût de moisi, de pourri, de terreux, de champignon, de terre mouillée, est bel et bien un défaut du vin. Même si certains vignerons veulent vous faire croire que ces odeurs sont liées au terroir ou à la typicité des cépages utilisés, bien souvent elles proviennent d’une molécule produite par des moisissures : La géosmine. Les études sur la géosmine sont assez récentes ; les premiers travaux ont commencés à la fin des années septante, en tant que polluant de l’eau. Ce n’est qu’au début des années deux mille que des études spécifiques sur la vigne et le vin ont été réalisées. Ce qui est certain, c’est que la géosmine provient des grains de raisins qui sont pourris. La géosmine n’a jamais été détectée sur des raisins sains. Cette molécule est donc liée à la moisissure des grappes, la pourriture grise, le botrytis cinerea, et les pénicilliums (particulièrement le penicillium expansum). En France tous les vignobles ne sont pas égaux, devant ce problème et davantage qu’une notion de terroir c’est plutôt une questions de climat et de cépage. Les vignobles septentrionaux sont plus concernés par leurs caractéristiques climatiques : précipitations abondantes, zones humides, hygrométrie élevée, grêle, moins de soleil et de vent… tous facteurs favorisant la création de moisissure et de pourriture. Ensuite les cépages qui sont plus sensibles à la pourriture, comme le gamay, le sauvignon, le chenin… donc là encore on va cibler des vignobles comme la Bourgogne, le Beaujolais, le Val de Loire, la Touraine.
Une fois que ce défaut de moisi, de terreux est constaté lors de la vinification, c’est trop tard, car malheureusement aucun traitement œnologique n’est accepté (charbon actif, lait entier, huile de pépin de raisin). Donc la seule solution est d’avoir des grappes saines et de faire du travail préventif dans les vignes : lutte contre la pourriture grise, maîtrise des rendements avec des tris, aération des grappes et du végétal, éviter la surmaturité des récoltes. Une caisse de raisins contaminés par la géosmine peut polluer une benne de vendange !!! La prochaine fois qu’un vigneron du val de Loire vous dira que son sauvignon blanc a des arômes caractéristiques de sous-bois mouillés, de bruyères écrasées ou de minéral terreux , assurez-vous plutôt que ce n’est pas de la géosmine !

Saint-Peray en pleine effervescence malgré ses 80 ans

Les bulles de Saint-Peray ne datent pas d’hier ! Les premières apparaissent en 1826 ! L’A.O.C. date de 1936, ce qui en fait une des plus anciennes des Côtes du Rhône. A l’époque déjà ces vins étaient rares et chers ; au début du siècle passé, les anciens rhodaniens disaient que les personnes qui n’avaient pas les moyens d’acheter du Saint-Peray achetaient du Champagne ! Les vins efferscents ou « vins agités », représentaient 90% de la production de cette appellation. Puis vint le phyloxéra qui ravagea presque la totalité du vignoble. Nombre de producteurs se tournèrent alors vers les arbres fruitiers, abricotiers et pêchers, pour s’assurer un revenu! Puis un autre phénomène vint amputer la région: l’urbanisation importante de Valence qui grignota bien des parcelles.
Au début des années 80, seuls quelques vignerons essayent de maintenir cette appellation, et les vins effervescents laissent place aux vins tranquilles, avec des vins blancs plus complexes, plus évolués, et des élevages sous bois. Depuis les années 2000 les ventes sont relancées, l’appellation redore son blason avec l’arrivée de maisons de négoce reconnues comme Jaboulet, Les Vins de Vienne, Chapoutier, qui côtoient une vingtaine de vignerons indépendants dont des anciens domaines qui ont toujours cru à cette appellation. Notamment le domaine Alain Voge.
Le vignoble est en pied de coteaux, sur des pentes douces et des terrasses aux sols calcaires, argilo-calcaires, ou granitiques. Marsanne (70%) et roussanne (30%). Vinification parfois complexe. Si essentiellement les vins blancs sont réalisés par l’association des deux cépages, avec une forte présence de marsanne, on trouve aussi des vins 100% marsanne ou 100% roussanne. La marsanne apporte tension, minéralité, légère amertume sur des arômes fins et discrets. La roussanne est plus expressive, plus solaire, plus séduisante, avec un grand potentiel aromatique et une belle acidité.
Actuellement cette appellation compte 85 hectares, avec des plantations qui augmentent chaque année. La répartition des vins blancs est de l’ordre de 85% pour les vins tranquilles et de 15% pour les vins effervescents.
Quelques accords mets et vins : avec un vin tranquille de Saint-Perray, on associera les poissons, les crustacés, les volailles ainsi que les fromages régionaux, tomme de l’Ardèche ou fromages de chèvre. Pour le pétillant, en début de repas à l’apéritif ou bien à la fin sur un dessert, avec des produits locaux, à base d’abricots ou de châtaignes.

Balade gourmande, du Rhône… au Pilat

Commençons notre périple gourmand sur les bords du Rhône, au sud de Vienne, par une friture de petits poissons du fleuve, accompagnée d’un Saint-Joseph blanc de Stéphane Montez, Domaine du Monteillet à Chavanay. Continuons notre descente, pour arriver maintenant à Ampuis, l’occasion de déguster une pièce de bœuf du Pilat (viande bovine de la race Aubrac), lieu oblige , une Côte-Rôtie s’impose, ce sera « Les Rochains » du Domaine Bonnefond à Ampuis. Par contre si votre budget est plus limité, car les vins de Côte-Rôtie restent quand même parmi les plus chers des Côtes du Rhône, vous pouvez vous faire plaisir avec un Saint-Joseph rouge, cuvée Caroline de Louis Cheze à Limony. Prenons un peu de hauteur maintenant en grimpant sur les coteaux de Condrieu, ce sera l’occasion de découvrir ces vignes en terrasses qui surplombent ce Rhône qui zigzague dans la plaine. Prêt pour les formages ? Commençons par une Rigotte de Condrieu, petit fromage de chèvre au lait cru qui sera associé à un vin de Condrieu du Domaine Duclaux ; un autre ? alors choisissez un pavé d’affinois, fabriqué à Pélussin, dont la finesse s’associera merveilleusement bien avec un verre de Château Grillet. Ce domaine a plusieurs particularités : d’abord c’est la plus petite appellation d’origine contrôlée des Côtes du Rhône avec seulement 3.5 hectares plantés uniquement de viognier et c’est une des rares AOC Française concentrée sur un seul vignoble détenu par un unique propriétaire.
En continuant notre montée, un petit détour s’impose par Malleval, un petit village médiéval tout en pierre construit sur un éperon rocheux, blotti au milieu de gorges et cerné de vignes. Nous arrivons maintenant sur un petit plateau, ou des villages se succèdent, et l’architecture raconte un passé riche en histoire. En prenant de l’altitude, les vignes ont laissé la place aux cultures maraîchères et fruitières. Parfait pour le dessert, nous arrivons à Pélussin qui célèbre à la mi-novembre la fête de la pomme. Au 19ème ce village était plus connu pour ses mûriers et ses vers à soie ! Avec de nombreux moulins qui « tordaient » la soie, ceux-ci étaient alimentés par les cours d’eau. Comme douceur ce sera donc une tarte tatin accompagné e d’un Condrieu vendange tardive, « Fleurs d’automne » du domaine Pierre Gaillard à Malleval. L’originalité de ce vin, réside dans le fait qu’il est réalisé avec une grande majorité de raisins de viognier botrytisés, mais complétées par des grappes de viognier passerillées.
Continuons notre grimpée sur les contreforts du Pilat, nous arrivons dans des prairies, presque des alpages, avec de nombreux troupeaux de vaches et de chèvres, il faut bien fabriquer tous ces produits agro-alimentaires régionaux, estampillés « Saveurs du Pilat ».
Montons toujours plus haut vers les sommets, pour nous retrouver dans un paysage montagnard, avec de grandes forêts de sapins. Arrivés en haut des cols, la vue est grandiose sur la vallée du Rhône, le fleuve qui serpente entre les collines et, au loin, la silhouette des Alpes. Les plus courageux peuvent encore continuer l’ascension jusqu’à l’émetteur du Mont Pilat, point culminant de ce massif et terminer cette balade gourmande. Après plus de 1300 mètres de dénivelés que vous pouvez gravir par toutes sortes de moyen de locomotion : voiture, moto, cheval, à pied – personnellement ce fut à vélo ! – il faut bien fêter cette ascension ! Prenons un verre de pétillant, les bulles d’Alain Voge à Saint-Péray.
Si vous souhaitez découvrir vous aussi cette région entre Rhône et Pilat, voici quelques adresses à recommander.
Le Cercle des vignerons à d’Ampuis… pour la pièce de bœuf du Pilat et pour les bouteilles. Côté table, vous avez le choix entre une petite carte de produits cuisinés ou alors des assiettes de charcuterie et de fromages locaux. Côté bar, un joli choix de vins au verre sont proposés, mais le petit plus c’est que vous pouvez allez choisir directement votre bouteille dans le caveau, un droit de bouchon de seulement 10 euros vous sera facturé par le restaurant.
Le Restaurant de la Treille route de Saint Désirat à Champagne…en Ardéche je précise. Il faut y aller pour son menu « fritures » et aussi pour la caillette ardéchoise. L’été c’est sympatique de manger en terrasse, sous la treille, dans un cadre convivial et une ambiance familiale.
L’auberge du Col, au col du Pavezin. la grande spécialité de cette petite auberge, ce sont les cuisses de grenouilles. C’est le genre d’établissement ou l’on ne va pas part hasard car c’est un peu perdu au milieu de nulle part dans le massif du Pilat mais on y va exprès pour retrouver une ambiance campagnarde et conviviale, parfaite pour une étape gourmande avec des spécialités régionales.
La table et chambres d’hôtes Le Berthoir à Pélussin, une demeure de charme construite sur un ancien moulin à eau. Un accueil sympathique et une cuisine savoureuse vous attend dans ce lieu habité par Claudine et Patrice. Madame est aux fourneaux et concocte de savoureux plats. Monsieur est à l’accueil et au bar à vins avec une jolie petite carte des vins de crus des Côtes du Rhône septentrionaux, de plus il pourra vous conseiller car le plus souvent il connaît les vignerons dont il propose les bouteilles.
Si vous voulez visualiser cette balade gourmande, vous trouverez des photos de ce parcours découverte  sur le site internet de la baronnie Suisse !

Votre rédacteur
François Sannié francois.sannie@gmail.com
www.baronnie-suisse.ch