Le Grappilleur

Le Grappilleur n°113

« Pour faire un grand vin, il faut un fou pour faire pousser la vigne, un sage pour la surveiller, un poète lucide pour faire le vin, et un amoureux pour le boire. »
(Salvador Dali)

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Carnet de route:
en Pays Gardois, à Tavel et Lirac

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Avec les beaux jours qui reviennent, l’envie de trouver un peu de soleil et de chaleur, me pousse vers les Côtes du Rhône méridionales. C’est parti pour une balade dans les vignobles du Gard. Le point de départ pour ce circuit découverte, sera l’auberge de Tavel, une bâtisse en pierre, aux volets en bois peints couleur lavande. Un petit parc ombragé, une tonnelle pour prendre l’apéritif ou le repas du soir, sans oublier la piscine pour se refroidir le corps après une journée sous le soleil du sud.
La mode ces dernières années est au « rosé piscine » : Un grand verre avec beaucoup de glaçons, arrosé d’un rosé bas de gamme ; moi je préfère boire un verre de rosé de Tavel, dans la piscine de l’hôtel, après une journée dans les vignes. Hé oui, j’ai bu du rosé, malgré mon peu d’intérêt pour ce breuvage, mais à Tavel le matraquage médiatique fonctionne ! De grandes affiches sont installées partout :« Tavel premier rosé de France… Tavel capitale mondiale du rosé… Tavel le roi du rosé » Bref, j’ai dû boire au moins un verre de rosé à Tavel. Mais cela ne m’a pas vraiment réconcilié avec ce type de vin ! Après l’apéritif, le repas. Nous voilà installés sur la terrasse ombragée entourée de rosiers. La carte des vins tout d’abord fait une large place aux vins rosés de Tavel bien sûr mais l’on a aussi un très joli choix de vins de Côtes du Rhône, blancs comme rouges. La carte des mets et des menus n’est pas très grande, mais il y a une belle sélection de produits frais et régionaux. Pour vous mettre un peu l’eau à la bouche, voici mon choix avec une suggestion de vins que nous avons découverts pendant notre voyage.
Pour commencer, une salade arlésienne: asperges et artichauts en vinaigrette, avec des gambas poêlées, sur ce plat un Lirac blanc, du Mas Isabelle, la cuvée blanc Roc 2016. Un assemblage (Roussanne 45%, Grenache blanc 35%, Clairette, Ugni blanc, Bourboulenc), où le gras en bouche, la fraîcheur et les arômes floraux s’accommoderaient bien de ce plat aux saveurs provençales. Comme plat principal, une trilogie d’agneau : effiloché, côtelette, ris, avec une sauce au romarin, le tout accompagné de petits légumes frais.
Pour soutenir ce plat très aromatique, il faut un vin costaud : un Lirac rouge du Domaine Raoux cuvée Aimé 2016. Assemblage de grenache (75%) et de syrah (25%) puissant, viril, avec des arômes de fruits noirs, de goudron et de réglisse.
En dessert ce sera un soufflé au chocolat blanc, avec sa sauce au chocolat noir et agrumes, et sa glace à la verveine. Pour supporter ce chaud froid,  qui mélange la vivacité et la douceur, un vin doux du Château Trinquevedel à Tavel, la cuvée vendanges oubliées, où les saveurs de miel et de fruits exotiques viendront compléter ce mariage d’arômes.
Après avoir bien mangé, il faut bouger un peu, pour éliminer toutes ces délicieuses calories !
Si vous voulez marcher, vous pouvez emprunter différents circuits découvertes proposés pour découvrir les vignobles de Tavel et de Lirac. Cela vous permettra de voir les différents terroirs (galets roulés sur des argiles rouges, éboulis calcaires avec leurs cailloux blancs, sables sur terrasses alluviales) mais aussi les cépages avec leurs modes de culture, syrah et son palissage sur fil ou grenache en taille gobelet, dont certains ceps centenaires sont gros comme des troncs d’arbres !
Il y a aussi la possibilité de parcourir de nombreux chemins Grande Randonnée, qui traversent vallons et garrigues. A ne pas manquer l’ermitage de la Sainte-Beaume, une grande grotte qui servait de refuge aux villageois depuis le 16ème siècle déjà. Au 17ème  siècle une chapelle fut érigée dans la grotte, et un ermitage fut construit devant celle-ci. Des ermites y ont séjourné jusque dans les années 1900. Depuis les fenêtres des cellules vous avez une vue splendide sur les parcelles de vignes entourées de collines et de massifs rocheux. Au début des années 1960 ce lieu fut l’objet de dépravations ; un groupe de villageois va créer une association qui s’occupe toujours de la restauration, de l’entretien et de la visite du site.
Le vélo est le moyen idéal pour découvrir les nombreux vignobles et appellations de la région. D’abord les deux crus du Gard Rhodanien : Tavel la rose et Lirac la rouge (majoritairement 85% vins rouges), mais aussi d’autres IGP moins médiatiques, comme les Coteaux du Pont du Gard, Estézargues, Le plateau de Signargues, Saint-Hilaire-d’Ozilhan. Ces paysages vallonnés sont magnifiques, mais il faut pédaler fort en montée ! Quelques produits sont-ils nécessaires pour passer les collines ? Pour la petite anecdote, le premier cas de dopage au tour de France fut un coureur qui avait mélangé dans sa gourde de l’eau avec du vin rouge et du sucre ! L’histoire ne dit pas si c’était du vin rouge de Lirac!
Pour les adeptes de la voiture, vous avez accès en quelques minutes à des lieux chargés d’histoire, comme le pont du Gard, immense aqueduc classé au patrimoine mondial de l’Unesco construit par les romains vers l’an 50 pour amener de l’eau jusqu’à Nimes, en provenance de la vallée de l’Eure près d’Uzès. Uzès justement, une ville chargée d’histoire, où les passionnés de vieilles pierres pourront s’en donner à cœur joie. De nombreux édifices sont à visiter : le château ducal avec sa façade Renaissance entourée de trois tours, la chapelle gothique, la cathédrale Saint-Théodorit, avec sa tour Fenestrelle, un vestige médiéval de style roman qui évoque la tour de Pise… exceptée son inclinaison, ainsi que de nombreux hôtels particuliers.
Si vous aimez les marchés de Provence, celui d’Uzès le samedi matin vous comblera. Plus de 200 commerçants s’installent sur les différentes places de la ville et investissent les boulevards circulaires. Circulation très difficile ce jour-là ! Et si certaines personnes sont en manque de douceurs, les becs à bonbons pourront se régaler au musée Haribo, les fameuses confiseries que les enfants adorent.
Les photos de ce carnet de route seront consultables sur le site internet : www.baronnie-suisse.ch

Défaut du vin : Le goût poivron

Le poivron vert est un légume de la famille des piments non piquant. Son goût très puissant se rapproche des odeurs herbacées, du lierre, du moisi, du terreux et de la tourbe ; on comprend assez facilement que ces sensations soient considérées comme des défauts dans le vin.
Plusieurs molécules peuvent être associées à ces odeurs : « Isobutyl Methoxypyrazine » à faible dose  participe au bouquet du vin, mais lorsque le seuil de perception augmente on a l’impression de manger du poivron vert ! « Hexanal », cette molécule lorsqu’elle est importante, donne des goûts d’herbe,  de gazon coupé, de lierre, d’olive verte, de pomme verte ou de petit pois…
Ces arômes sont souvent associés à certains cépages comme étant des arômes primaires caractéristiques, spécialement les cabernets … Cabernet Franc et Cabernet Sauvignon, mais aussi des cépages blancs, comme le Sauvignon blanc, le Vinho Verde ou le Müller-Thurgau.
La note de poivron vert est encore plus marquée dans les vins issus d’une vendange de faible maturité. Vous vous en doutez, le raisin est sensé être récolté à bonne maturité, mais il arrive que ce ne soit pas le cas : un manque de maturité des raisins peut donner des vins végétaux, herbeux. On retrouve alors certaines molécules avec des arômes bien spécifiques.
Le style des vins de Bordeaux a évidemment changé. Dans des millésimes difficiles, dans les années 1950 -1960-1970, le climat et la viticulture ne permettaient pas toujours d’avoir des maturités optimales. Par crainte de la pourriture, on vendangeait précocement, on élaborait des vins qui avaient des équilibres différents, des acidités en moyenne beaucoup plus élevées qu’aujourd’hui. Le fameux goût de poivron vert qu’on a pu trouver dans des vins à une autre époque bordelaise était dû simplement au manque de maturité du cabernet sauvignon. On a longtemps considéré cela comme une vertu du vin, que le terroir lui donnait cette empreinte. On sait aujourd’hui que ce n’est pas le cas !
Et puis il y a eu le déclic, le millésime 1982, un millésime exceptionnel car pour la première fois depuis longtemps, on a récolté en abondance des raisins mûrs, d’un point de vue alcoolique mais aussi tannique. À ce moment-là, on a redécouvert les vertus de la bonne maturité du raisin. Les millésimes suivants n’ont finalement eu que pour objectif de reproduire cet idéal. Cette période coïncide aussi avec une meilleure conjoncture économique. Les années 1980 marquent un peu le renouveau, l’ouverture de certains marchés… Les propriétés ont les moyens d’investir dans l’outil et Bordeaux connaît une vague de rénovation.
Goût de poivron vert : un défaut, goût de poivron rouge : une qualité ? Le cabernet-sauvignon est, entre autres, le cépage emblématique de la rive gauche du Bordelais. Les fans de cette région adorent reconnaître ses arômes de poivron. Mais il y a y a poivron et poivron ! Et il faut bien reconnaître que ce poivron “typique” du cabernet-sauvignon offre bien souvent des touches de la version verte du légume et que ce poivron-là trahit tout simplement une sous maturité du raisin ! Certaines mauvaises langues ne manqueront pas de souligner que le cabernet-sauvignon n’arrivant à maturité qu’une fois tous les dix ans à Bordeaux, il n’est pas étonnant que beaucoup d’amateurs confondent typicité bordelaise avec sous-maturité chronique… Heureusement avec le réchauffement climatique, les choses s’améliorent ! Trop souvent encore les nez de certains rouges de la rive gauche se caractérisent par des notes marquées de poivron vert et une bouche désespérément végétale.
De plus en plus les châteaux les plus consciencieux trient soigneusement leur vendange et écartent les parcelles les moins mûres. Et maintenant lorsque que l’on fait du vin avec des cabernets bien mûrs il sent encore un peu le poivron, mais rouge cette fois et c’est une qualité ! Reste à savoir maintenant dans quelle condition on sentira des arômes de poivron jaune ?

Votre rédacteur
François Sannié francois.sannie@gmail.com
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