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Le Grappilleur n°121 (1/4)

IRRIGATION : LE GRAND DÉBAT

L’évolution du climat remet d’actualité le débat sur l’irrigation des vignes AOC, y compris jusqu’à la récolte. Dans les vignobles méridionaux, il s’accompagne de la problématique de l’accès à l’eau.

C’est un dogme de plus en plus remis en question. L’irrigation est interdite pour tous les vins entre la véraison (et au plus tard le 15 août) et la récolte. Pour les vins AOC, elle est même interdite à partir du 1er mai sauf en cas de dérogation accordée par l’INAO au Syndicat qui en a fait la demande, justificatifs techniques à l’appui. Et dans ce cas, le rendement des parcelles irriguées est limité au rendement de base.

Cette réglementation inscrite dans le Code rural ne date pas d’hier et, en son temps, trouvait sa justification. « Le critère pour fixer cette date, explique ainsi Hernán Ojeda (Inra Pech Rouge) a été déterminé par analogie aux effets des pluies proches de la date de vendanges qui peuvent induire le gonflement des baies (parfois l’éclatement), et donc l’augmentation des rendements et la diminution de la qualité par des phénomènes de dilution. Lorsque la grappe est mouillée, l’eau pénètre à l’intérieur de la baie, directement par la pellicule. C’est d’ailleurs vrai également pour l’irrigation par aspersion ». Mais l’évolution du climat, en particulier dans les vignobles méridionaux, nécessite aujourd’hui de mieux y réfléchir.

En effet, les récents résultats de recherche remettent en question la pertinence agronomique de cette réglementation qui « ne tient pas compte de la physiologie de la vigne et des résultats de recherche sur les mouvements d’eau dans les baies, affirme Alain Deloire, professeur à Montpellier SupAgro. Si tous
les mécanismes ne sont pas encore connus, l’irrigation au goutte-à-goutte après la véraison ne peut pas entraîner une dilution des éléments significativement délétère à la qualité attendue d’un vin donné ». Bien raisonnée, elle contribue même à « maintenir le volume des baies, préserver les rendements et la qualité ». Des résultats qui ne font que confirmer les observations empiriques des vignerons.

Les responsables des Fédérations AOC du quart Sud-Est de la France souhaitent désormais remettre le dossier sur la table pour faire évoluer la réglementation. Ce qui ne sera pas sans difficulté, tant il reste sensible. L’autre obstacle reste… l’accès à l’eau. En effet, d’après une estimation d’Inter Rhône, seuls 5 300 ha (sur 40 000 ha environ) en Côtes du Rhône et CDR Villages ont aujourd’hui accès à l’eau d’irrigation.

Le projet des « Hauts de Provence rhodanienne » ardemment porté par André Bernard, aujourd’hui président de la Chambre régionale d’agriculture Paca, bute en effet sur les financements. On peut donc s’étonner du manque de soutien financier « alors que d’autres secteurs phares de la viticulture méridionale en bénéficient ».

Bref, sur tous les fronts, réglementaires et financiers, l’accès à l’eau ne coulera pas de source…

Source : Le Vigneron, juin 2020