Le Grappilleur

La taille tardive pour limiter le gel dans les vignobles (Grappilleur n°128)

La lutte contre le gel dans les vignes est souvent polluante et coûteuse. En Bourgogne, région particulièrement affectée ces dernières années, des chercheurs testent une solution écologique : retarder l’apparition des bourgeons jusqu’à la fin des gelées en modifiant les pratiques de taille.

Au vu de la répétition quasi annuelle des périodes de gels touchant lourdement le vignoble bourguignon, certains se sont posé la question d’arracher leur vigne dans les endroits particulièrement exposés. La propriétaire des 21 hectares du Domaine Naudin-Ferrand fait alors appel à l’Institut de la Vigne et du vin (IVV, Université du vin, Dijon) qui pratique une série de relevés à trois, deux et un mètre du sol. Il en ressort des températures moins froides plus haut qu’au niveau du sol de l’ordre de 1 à 2 degrés.

En cas de gelée radiative, soit sans vent, l’air chaud, plus léger monte et l’air froid est en quelque sorte plaqué au sol. Le risque de gel est ainsi plus marqué au niveau du sol qu’en hauteur. La vigne en Bourgogne, et par ailleurs majoritairement dans les Côtes-du-Rhône, est taillée pour rester à environ 50 cm du sol, favorisant ainsi le risque de gel. De plus, la taille a généralement lieu en plein hiver, déclenchant ainsi l’éclosion précoce des bourgeons, formés à 90 % d’eau et donc plus sensible au froid.

Une solution semble dès lors s’imposer : rehausser les bourgeons et empêcher autant que possible qu’ils n’apparaissent avant les gelées. Ainsi, en 2019, l’IVV suggère au Domaine Naudin-Ferrand d’expérimenter la taille tardive. Au lieu de passer le coup de sécateur en plein hiver, la vigne est coupée à fin avril quand le plus gros des gelées est derrière les vignerons.

La végétation est donc retardée et des branches plus hautes sont laissées. Ainsi, avant la taille, les bourgeons débourrés, sensibles au gel dès -2°, -3°, apparaissent en haut des vignes et on garde, plus près du sol, des bourgeons non débourrés qui résistent jusqu’à -6°, -7° environ.

Et si par malheur la gelée est advective, c’est-à-dire présente même en hauteur, la perte est limitée aux bourgeons du haut. Le sacrifice d’un peu de raisin est toujours mieux que de perdre de 60 à 80 % d’une récolte avec un coup de gel. De plus, contrairement à l’utilisation de bougies ou d’hélicoptères, l’impact environnemental est nul. Le coût est également considérablement réduit.

La taille est une solution écologique. De plus, cette méthode fait d’une pierre deux coups. En freinant le développement de la vigne, on retarde sa maturation qui devient ainsi un atout dans la lutte contre la canicule.

Cette méthode se répand actuellement dans le vignoble français. Il est facile d’imaginer qu’il va faire de plus en plus chaud et que les gelées vont disparaître, mais ce n’est pas le cas. Dans les années soixante, le développement des bourgeons se faisait bien plus tard que de nos jours, mais les gelées étaient déjà bien présentes.

Source: la Revue des Vins de France