Le sol a-t-il une saveur ? (Grappilleur n°131)
La qualité d’un vin tient à plusieurs facteurs : le cépage, les conditions climatiques, le sol et le savoir faire du vigneron. Très subtile, l’influence de la structure et de la composition du sol sur le produit fini est la plus difficile à quantifier et à qualifier. Essentiel pour la capacité de la vigne à résister aux sécheresses, au froid et à prospérer tout en absorbant les nutriments minéraux et organiques, l’enracinement est fortement corrélé aux sols. D’ailleurs, les moines cisterciens avaient judicieusement observé que selon les parcelles le même cépage pouvait donner un vin différent et ont créé le concept unique à la Bourgogne, les « climats ».
Pour schématiser, on peut dire que les sols de la vallée du Rhône en France sont de deux sortes : au nord, principalement sur la rive droite, caillouteux, argileux et granitiques, très peu de sédiments ; au sud et de part et d’autre du Rhône on trouve relativement peu de granit mais beaucoup de galets, argiles, calcaires et sables. La différenciation des phénomènes naturels ayant modelé ces deux régions explique cette distinction. Entre 200 Ma et 5 Ma avant notre ère – du Jurassique au Miocène – la Méditerranée est remontée plusieurs fois le couloir rhodanien jusqu’à Lyon, s’aventurant parfois sur de grandes étendues au nordest. À chaque retrait de la mer, des dépôts sédimentaires, argileux et calcaires apparaissaient, atteignant jusqu’à 1 km d’épaisseur. La pression incessante exercée entre les plaques tectoniques – africaine et européenne – finit par faire surgir les Alpes puis les Alpilles, le Vercors et le Lubéron. L’érosion fluviale du Rhône et de ses puissants affluents prit le relais en arrachant des blocs aux roches primaires, les charriant en aval en les roulant indéfiniment.
Le terroir de Châteauneufdu-Pape est le meilleur exemple de l’apport de ce passé géologique plutôt animé. Composé de galets roulés reposant sur d’épaisses couches d’argiles sédimentaires mélangées au sable, il offre des conditions idéales pour la vigne, associant porosité et rétention de chaleur. On dit des vins issus de terrains argileux, sableux et caillouteux qu’ils sont colorés, charpentés, riches en alcool, des vins de garde. En comparaison, des régions comme le Diois, le Tricastin et Valréas par exemple se distinguent par un terroir plutôt calcaire, marneux et sableux qui bénéficie dit-on aux vins fruités, frais, subtils, souples et floraux.
En revanche, plus au nord, la rive droite n’a pas subi les mêmes incursions marines, et l’érosion des torrents a été moins abrasive. Le Massif central étant nettement plus élevé et accidenté sur son flanc sud-est que sur les autres, les côteaux très abrupts des rives ardéchoises ont formé une barrière étanche à la montée de la mer au gré des ouvertures et fermetures du Détroit de Gibraltar. Les pentes granitiques et caillouteuses proviennent pour la plupart des éruptions volcaniques de la chaîne des Puys et des anciennes formations orographiques. Les œnologues s’accordent pour caractériser les vins élevés sur des roches magmatiques et sol caillouteux de minéraux, équilibrés en acidité, riches en alcool, aussi de bons vins de garde.
Sources: François Potevin, Vins du Monde – Vins, vignes et vignerons, Facteur sol et terroir viticole