Le Grappilleur

De la syrah en alsace, une parade au réchauffement climatique ? (Grappilleur n°129)

Planter en Alsace de la syrah, traditionnellement présente dans des zones plus torrides telles que la vallée du Rhône ? Le Clos Saint Landelin. Situé à une vingtaine de kilomètres au sud de Colmar, tente l’expérience. Soucieux de trouver une parade viticole au réchauffement climatique.

Le domaine produit des vins de pinot noir, des crémants, des rieslings et des gewurztraminers. Protégé des vents d’ouest chargés de pluies par les sommets vosgiens des Ballons d’Alsace, la région est la plus sèche d’Alsace avec une pluviométrie similaire à celle de Montpellier dans le sud-ouest. Un climat sec qui n’a certes rien de nouveau, mais qui se retrouve amplifié par la situation climatique.

Si la tendance va dans la même direction que ces dernières années, pour continuer à faire de « grands vins », une adaptation de la production doit être envisagée. Cette question s’est posée au domaine il y a quelques années en partant du constat que la date des vendanges arrivât de plus en plus tôt. Il fallait donc trouver un cépage capable de mûrir un peu plus lentement, de supporter la chaleur, mais également les hivers froids alsaciens.

Assez naturellement, la syrah a fini par s’imposer. On retrouve ce cépage en France dans la vallée du Rhône, mais également en Suisse voisine, en Italie, en Grèce, en Afrique du Sud, au Liban ou encore en Australie sous le nom de shiraz. En 2010, six rangs sont donc plantés sur le domaine avec l’intention d’en étudier le comportement sur un terroir argilocalcaire. Une expérience, mais également un challenge puisqu’il a fallu sacrifier autant de rangs de vignes générant une perte de production et de vente.

Douze ans et six millésimes plus tard, le cépage noir donne en moyenne 300 bouteilles. Pour l’heure, cette production confidentielle est commercialisée sous la dénomination « Vin de France ». Ce vin rouge, agréable à boire avec un côté salin et minéral, devrait se garder dix à vingt ans. Il a tout de suite intéressé les habitués du domaine de même que les sommeliers de la région, curieux de goûter la première syrah produite en Alsace.

Face à la demande, le domaine a donc décidé de planter l’année dernière une soixantaine d’ares supplémentaires, portant ainsi l’encépagement à un peu moins de septante ares. Ils devraient ainsi donner leur première cuvée d’ici six à sept ans.

Au début, l’initiative a surpris le monde viticole alsacien, la syrah ne faisant pas partie des cépages alsaciens que sont pinots noir, blanc et gris, riesling, muscat, sylvaner et gewurztraminer. Pour autant, la profession est très consciente du changement climatique et tout le monde cherche des solutions. Une poignée de viticulteurs ont donc emboîté le pas des précurseurs du Clos Saint Landelin en plantant de la syrah sans pour autant la commercialiser pour l’instant.

Est-ce dire qu’à terme, la syrah sera appelée à se banaliser en Alsace ? Difficile de s’avancer, mais si le réchauffement climatique continue, la syrah a définitivement sa place en Alsace.

Source : Le Temps