Le Grappilleur

Tonnellerie (Grappilleur n°131)

Pour répondre à la demande haut-de-gamme de domaines viticoles, les tonneliers dépensent toujours davantage pour acquérir des parcelles où poussent des chênes centenaires dans un contexte où le renouvellement des forêts est de moins en moins assuré.

Soudain, des applaudissements ont rompu le silence de la salle de vente aux enchères de l’Office National des Forêts. Le plus beau lot de chênes de la forêt domaniale de Tronçais, dans l’Allier, est parti pour plus d’un million d’euros. Les 1 539 m3 de la parcelle 50, chênes nés sous la Restauration, étaient fort convoités. La Sogibois, filiale des Tonnelleries François Frères (TFF) a parié gros, emporté la mise mais est satisfaite sans l’être puisqu’ils ont les meilleurs bois mais bien trop chers.

Au total, TFF a acheté pour plus de 4,5 millions d’euros de bois pour répondre à la demande de leurs clients prestigieux aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou en Afrique du Sud qui veulent des bois d’exception où vieilliront les plus grands crus du Nouveau Monde.

Lors de cette vente aux enchères, la plus prestigieuse de l’année organisée par l’ONF, qui gère les onze millions d’hectares de forêts publiques françaises, 62 lots pour 44 000 m3 de bois ont été cédés au plus offrant avec pour condition que la première transformation se fasse sur sol européen. Bilan de la vente : 15 millions d’euros en environ une heure et demie, soit 5 % du chiffre d’affaire annuel attendu cette année.

La France est la seule au monde à avoir des chênes de cette qualité. Avec ce bois, les tonneliers ne vendent pas une simple barrique en chêne, ils vendent une barrique en chêne de la parcelle 50 de Tronçais. Ils acquièrent du bois sur pied, vivant et qui continue de grandir dans cette forêt de l’Allier, une des plus belles futaies régulières d’Europe,dontlesavoir-faire a été inscrit à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel français. Les plus beaux chênes portent ainsi leurs marquages au fluo bleu, vert ou orange. Ils auront dix-huit mois pour aller les couper.

Beaucoup repartent bredouilles de ces ventes aux enchères. La poussée de la demande, après des vendanges abondantes, tient surtout à la raréfaction de l’offre, grignotée par les bouleversements du climat. Il est difficile de renouveler les forêts entraînant de fait une baisse de production. Avoir des chênes qui poussent de manière régulière et lente permet d’avoir des grains très fins et un bois riche en composés aromatiques. Si l’âge des arbres est réduit, il faudra alors étudier l’impact sur la vinification.

L’ONF se veut toutefois confiant. Il mêle les essences et âges, teste de nouvelles espèces et espère que l’écosystème trouvera son équilibre.

Source:RVF